Chapitre LXIX
COMMINES est une ville point chapitre murée située à trois lieues, ou gueres d'avantage, de Lille en Flandre autant d'Ipre, & quelque peu moins de Courtray. La riviere du Lys venant d'Arthois y passe; & coulant de la à Menin , & Courtray se va rendre au Gand dans celle de l'Escaut. Appartient à Charles de Croy, Aremberghe, Prince de Chimay, fils second de Charles Prince d'Aremberghe, & de Dame Anne de Croy fille aisnée de feu Philipe Duc d' Aerschot, & de Dame Jeanne de Halewyn : & luy est cette terre venue par la donation qu'en avoit faicte , peu avant son trespas, Madame de Fustemberghe ; Dame Marguerite de Croy , soeur maisnée à la susdicte Princese d'Aremberghe : Elle l'avoit heritée au deces de son frere. Charles de Croy Duc de Croy & d'Aerschot, & luy de la dessus nommée Dame Jeanne de Halewyn, Duchesse d'Aerschot sa mere, qui estoit fille heritiere de Jean Seigneur de Halewyn, Commines, Rolleghem, Lauwe, Ronche &c. Vicomte de Nieuport, & de Dame Jeanne de Lanoy. Ce Messire Jean mourut 1544 à 33 ans ayant receu un arquebuzade à la gorge qui luy fut tirée de Fourmes lez Vitry tandis qu'ils faisoit passer ses gens (car il estoit Capitaine d'une compagnie d'hommes d'armes de 150 combaitans) la riviere de Marne retournans de la desconfiture des troupes du Seigneur de Brisac qu'ils avoyent deslogées de Vitry où elles estoyent attendantes quelqu'occasion pour secourir Sainct Disier, qui se rendit peu apres. Il vescut cincq jours depuis, qu'il fut blesse sollicité par trois Docteurs à qui l'Empereur Charles V le recommanda : & envoyé visiter & consoler par le mesme Empereur : mais ne pouvant (au moyen de sa playe rien avaller, il deceda quelques quinze jours apres René de Chalon Prince d'Aurenges, lequel, l'avoit fort affectionné, & l'appelloit ordinairement son fidele amy. Ceux qui tenoyent dans la susdicte Eglise estoyent quelques 300 des gens du Seigneur de Brisac qui s'y jecterent lors qu'il fut rompu,& s'opiniatrans a ne se rendre furent le lendemain forcez & taillez en pieces. Il estoit fils de George Seigneur de Halewyn, Commines, &c. lequel mourut 1536 en Septembre,& luy fut compose cet Epitaphe.
Munera qui sprevit aulae fumosa superbae,
Prae dulci Aonidum ludo & sudore Minervae
Nec tamen abstinuit Regum, si quando vocatus
Conciliis, gravibus consultans publica dictis :
Nec patriae, duros sudanti Marte labores
Defuit, & neutram contempsit tempore laudem :
Qui ques antiqua populos ditione tenebat,
Legibus iastitnit, fuerant ut tempora, Sanctis :
Comminij genitrix : Halevvyni cui pater arcem
Iure dedit prisca majorum laude regendam,
Ejus habes clausos cineres hoc marmore, mentem
Pronus ei precibus commenda, siste viator ;
AEternum cineres faciet qui vivere rursus.
L'Autheur duquel Epitaphe a eu raison de dire qu'il a preferé les doux jeux & empeschemens des muses aux honneurs & vanitez de la cour. Car il fut seigneur scavant qui se plaisoit à la conversation de personages de savoir, & aux livres; de quoy il a laissé bon nombre de grand prix & ramassez avec beaucoup de soin,& despence, lesquel sont demeurez en sa librairie au Chasteau de Commines jusques a depuis quelques années, que son arriere fils Charles Duc d'Aerschot les transporta au Chasteau de Beaumont en Hainaut. Il se delecta aussi fort à parler & escrire en latin, selon que se peut verifier par diverses lettres missives qu'il a envoyées à ses amis en ceste langue & dont j'ay quelques unes de sa main adressantes à mon Ayeul, Hugues de Maubus, durant qu'il a esté son Grand-Bailly à Commimes,c'est luy auquel Jean Desauter dedia son art versifîcatoire 1510. l'attitulant tres-noble, & de tous poincts tres scavant Seigneur de Halewyn, & Commines. Sa femme fut Dame Antoinette de Sainc Aldegonde dicte de Noircarmes. Et son Pere Jean Seigneur de Halewyn, Tronchiennes, Watervliet, Hansbeke, Molinel &c. lequel mena pour le service du Duc de Bourgogne à la guerre de Gaure 1453. XLIV hommes d'armes, tous du nom & armes de Halewyn. Il espousa Dame Jeanne de la Clite, dicte de Commines, Dame heritiere de Commines : c'est elle qui fut gouvernante de la jeunesse de Madame Marie Duchesse de Bourgogne, fille heritiere du Duc Charles dict le Hardy. Et quand on tint propos de marier la Duchesse avec le Dauphin de France, (estant au conseil qui se tint la dessus) opina au rapport de Messire Philippe de Commines, Chap. 116. que sa maistresse estoit femme pour porter enfant,& qu'ils avoyent besoin d'un homme, & non pas d'un enfant, Advis, qui (ce dict Ponthus Heuterus) appresta de quoy rire à toute l'assemblee. Son mary mourut longuement avant elle aussi vescut elle vieille. Car elle a esté pareillement la gouvernante de la jeunesse du Roy de Castille, Philippe premier fils de l'avant-dicte Duchesse Marie. Elle deceda 1511.ou plutos 12. Son père fut Messire Jean Seigneur de Commines allié à Dame Jeanne de Toute-ville, fille de Guillaume Seigneur de Torsy; Et estoit ce Messire Jean fils d'un autre Messire jean Seigneur de Commines, & de Dame Jacqueline de Guistelle sa premiere femme, car ce dernier Msessire Jehan remaria avec Dame Jeanne heritiere de Preure & de le Plancque, vefve premierement d'Archembout de Croy, fils aisné de Jean Seigneur de Croy, Grand-Maistre de France, lequel Archembaut mourut, sans enfans, avec le Sire de Croy son pere, à la journee d'Azincourt 1415. Et secondement de Monsieur de Fosseux, dont elle eust une fille son heritiere. C'est de ce dernier Messire Jean, qu'Oudegherst Chap. 183. De ses Chronicques, dict que le Duc de Bourgogne , Philipe le hardy , faisant murer Nieuport; fortifier les Chasteaux de Courtray & Audenaerde, & d'autres ouvrages convenables à la seureté de la Flandre, establit superintendent à iceux un Gentil-homme de prudence mon vulgaire, & de merveilleusement bon esprit, appellé Messire Jean de Comines, Capitaine de Nieuport, lequel, au mesme temps, ou peu apres commença son chasleau de Commines, ne soit qu'Oudegherst ait escrit Messire Jean, au lieu qu'il debvoit mettre Messire Colart ; car ces ouvrages se firent 1385. lors qu'il n'y a point de vray semblance que ce Messire Jean ait esté en aage d'homme , & que pour le seur il n'estoit pas Seigneur de Commines, n'y a esté longuement depuis: Car son Pere Colart vivoit encore, & sa mere Herittere de Commines a vescu jusques 1409. Aussi j'ay treuvé parmy les memoires de feu « Monsieur de Meurchin Pere à ma femme, que Messire Colart de le Clite, qui espousa l'heritiere de Commines, encloit de murailles la ville de Nieuport, en recompense de quoy , elle luy donna deux cens livres de gros de rente aux vies de Louys, & Jean ses filz, & que de ce y a lettres de l'an 1383. Il pourroit toute fois estre, que Messire Jean filz de Colart ait esté commis sur le bastiment, que, selon le dire de Jacques marchant, Commentaires de la Flandre, pag. 271. le Duc Jean de Bourgogne, filz de Philipe le Hardy, fit du petit Chasteau de l'Escluse, qui fut environ 1415. Cela est certain que 1414 ce mesme Duc Jean, pour les grands & notables services, que ce Messire Jean (qu'il appelle son ame & feal conseillier & Chambellan) luy avoit plusieurs fois faict en armes, & autrement, & où il avoit grandement aventuré son corps, & encore faisoit de jour en jour, à ses grand missions & despens, ce sont les mesmes termes de la lettre, & moyennant huict cent couronnes d'or, luy transporta, & à ces successeurs , Seigneurs de Commines, en privilege perpetuel le droict que le Prince du Pays a voit auparavant d'accorder les octrois, pour faire courir, cueillir, & lever assis au profit de la ville de Commines, toutes les fois qu'il le jugeroit à propos; en prenant pour luy, & à son profit un quart d'iceux assis , ou telle autre part, dont il accordera avec ses eschevins & Mamans , ainsy que le Prince du Pays faisait auparavant. Ce Messire Jean fut un des premiers Chevaliers de la Thoison d'or, & nommé le IX quand le bon Duc de Bourgogne institua cest ordre 1430 à Lille . Il deceda 1435. le viij. jour d'Octobre, & fut souverain Bally de Flandre dez 1429. Il succeda en ceste charge à Messire Foelix Sire de Steenhuuse, & d'Avleghem jusques à son deces; & l'eut apres luy son frere Messire Colart de le clite, dict de Commines ; Seigneur de Renescure, Busschure, & du Thil, duquel je parleray, apres que j'auray deduic ce que j'ay treuvé de leur Pere Messire Colart de le Clite, qui a esté un personnage fort illustre, & eu plusieurs charges grandes, telles que de gouverneur de cassel de gouverneur de Lille gouverneur du bien, & privilege que sa saincteté residente à Avignon, avoit en la Flandre, & pays à lenviron, de maistre d'hostel du Duc de Bourgongne, Philipe Hardy 1389. Les Genealogistes disent qu'il gouverna depuis 1370 jusques à 1372 la Flandre, durant l'absence du Comte Louys de Male, & qu'ayant estè faulsement accusé par un Chevalier appellé Guymart, il entra contre luy en Camp de bataille devant le Comte , en la ville de Courtray, où furent separez mais quelque temps ils se rencontrerent ailleurs, & Guymart y mourut : pourquoy Colart fut bany, toutesfois il retourna bientost en la bonne grace du Comte, qui l'ayma de la en avant tousjours, comme aussi fît le Duc de Bourgongne son gendre. Le Catalogue des Gouverneurs de Lille dict que Messire Colart de le Clite fut gouverneur apres Tristan du Bois, chevalier, Seigneur de Famechon, qui l'estoit 1367. Si cela est vray, comme je pense qu'il soit, il peut sembler que ce fut durant son banissement de la Flandre, car Lille, Douay & orchies ont esté au pouvoir des François plus de cent ans,& jusques à 1369 que le Roy les rendit en faveur du mariage de son frere le Duc de Bourgongne, Philipe le Hardy & pourroit estre, que durant, qu'il s'absenta, il obtint en France les lettres de privilege, reposantes en la Halle de Commines, données par Charles Roy de France 1369 où y a de grands privileges & beaux. Au partir de là, selon ce Catalogue, Messire Colart eut peu de temps ceste charge de Gouverneur de Lille car 1370 Messire Jean, Chevalier, Seigneur de Hem y entra, je n'ay encore treuvé quand Messire Colart deceda, il ne l'estoit 1401 ouy bien 1404: d'autant que cet an 1404 Dame Jeanne de Waziers est attitulée sa vefve, & peu apres, où le mesme an elle trespassa. Quelques Genealogistes disent qu'elle fut sa seconde femme, & que son filz Louys estoit de la premiere ce que je ne sçay pas bonnement croire : car je ne treuve pas qu'il ayt eu d'autres terres que celles, dont son cadet Colart herita.
Et au partir de là ceste Dame Jeanne estoit heritiere de Commines. Je ne saurois pourtant pas asseurer de qui elle a esté fille: car il y eut quatre Dames du mesme nom vivantes depuis 1377 jusques à 1404 ou environ : I. noble Dame Ieanne de Waziers Dame de Hemsrode, & (si je ne me trompe) de Eyne. II. Dame Jeanne de Waziers femme à Messire Thomas de Bauffremez, Chevalier, Seigneur de Flequieres & ayeule de Jean de Baufremez Seigneur de Flequiere.s III. Dame Jeanne de Waziers vefve de noble homme Messire Jesse de Halewyn, Chastellain du Chastel de Lille. IV. & nostre Dame Jeanne de Waziers heritiere de Commines, qui ne semble pas avoir esté fille (comme quelques uns cuydent) de Messire Hellin Seigneur de Waziers & Hendicourt: car 1404 vivoit un autre Messire Hellin Seigneur de Wasiers parent à nostre Dame Jeanne, et Commines est une terre plus belle beaucoup que non pas Waziers. Bien est il vray que 1298 vivoit Robert de Waziers Damoiseaux de Commines, lequel, estoit frere au Seigneur de Hendicourt, & par aventure, filz à Aelis de Commines, Dame de Waziers, qui, & Hellin son filz vivoyent 1288. On pourroit presumer que nostre Dame Jeanne ait esté petitte fille du susdict Robert, quoy qu'il en soit, elle apporta la terre de Commines à la maison de la Clite, dont ses descendans firent tant d'eftat, qu'ils quitterent le nom de leur race, pour prendre plus ordinairement celuy de Commines.
Et donna elle plusieurs enfans à son mary, desquel Jean herita Commimes, selon qu'il est dict cy dessus, Pierre fut Chanoine à Lille ; Jeanne espousa Messire Guillebert de Sainct Omer, Seigneur de Piennes, Barree, Beaurepair, &c. sans generation : Marguerite fut premierement mariée avec Messire Olivier de Halewyn ; puis avec Messire Roland d'Uutkerck ; Philipotte eut à mary Messire Guislain de Halewyn Seigneur de Bugghenhout : Catherine, Marie, qui est à l'adventure ceste Marie de Commines, laquelle au registre de la chambre des comptes à Lille, commençant, 1393 & finissant 1399 est dicte morte par le faict d'aucuns habitans de Lille : Colart qui herita des terres de Renescure , Busschure, & du Thil fut faict chevalier de la main du bon Duc Philippe de Bourgongne, 1421 au siege de Sainct Riquier en France, & estoit dez l'an 1420 gouverneur de Cassel car cest an les communes de Cassel irritées (de quoy il vouloit lever de plus grandes a mendes que du passé) se sousleverent contre luy, & la loy , & demolirent son Chasteau de Renescure : mais ils en furent punis de là à peu de jours. Il fut aussi souverain Bally de Flandre depuis l'an 1435, qu'il succeda en l'estat au Seigneur de commines son frere jusques 1453 qu'il mourut. Il a pareillement esté gouverneur de la terre de Gavre, appartenant à la comtesse de Laval, 1446. Sa premiere femme fut Dame Catherine de Haveskercke, fille au Seigneur de Watou. Et sa seconde Dame Marguerite d'Ermuyden, mère de Messire Philipe de Commines, chevalier, Seigneur de Renescure & du Thil, qui a escrit des memoires sur les gestes des rois de France , Louys XI & Charles VIII & qui le bon Duc Philipe de Bourgongne tient sur fons, & luy donna son nom : Puis si tost qu'il eut aage pour monter à cheval l'an 1464 Charles comte de Charolois le receut à son service, où il servit d'Escuyer, & Eschançon, finalement de Chambellan fort favory, selon que se voit par divers passages de son livre, notamment, quand il parle du siege de la ville de Liege 1470.
Toutefois il se retira depuis en France 1472 dequoy, Jacques Marchant en ses Commentaires de la Flandre semble vouloir dire que le premier motif avoit esté l'affront qu'il reçeut, retournant un jour de la chasse avec son maistre le Comte Charles, lors qu'enyvré de la grande faveur du Comte il s'asseit en sa presence & se jouant dict : Monseigneur, à quoy tient il que ne me tirez les bottes ce que le Comte fit, mais d'un chemin, comme se jouant pareillement, il luy donna bien à certes des esperons à la teste : de façon qu'il fut depuis appellé en cour la teste bottée ce que j'ay ouy conter autrement, avec plus d'apparence, à un ancien gentilhomme, qui disoit de l'avoir aprins de son Peres à sçavoir que retournant un jour de la Chasse fort fatigué & las, il s'endormit en la chambre demy courbé, & appuyé sur le lict du Comte, qui l'y surprint, de quoy Messire Philipe tout honteux se cuyda excuser, quand le Comte luy dict : non, non, demeure, je ne veux pas que tu bouges, mais tu n'es pas à ton aise avec tes bottes car il faut que je te les oste, & demy par force, & jaçoit que l'autre contesta au contraire, il le debotta, puis prenant les bottes luy en donna contre la teste, avec ceste reproche: va coquart , qui permis à ton souverain te debotter. D'autres le content encore quelque peu autrement : Que le Comte de Charolois le treuvant en sa chambre le voulut debotter, luy disant : tu me debotteras apres. Et que l'ayant faict, au lieu de se laisser tirer les bottes, il le saisit,& luy donna aux jambes force coups d'esperons, qu'il avoit chaussez : de quoy il se sentit mal longuement.
Tout peut estre, neantmoins je ne sçaurois me persuader que la principale raison, qui le fit passer en France, a esté autre, sinon, les grandes promesses, & caresses, qu'il receut 1470 à Peronne, & depuis du Roy, les quelles, à mon advis, il touche assez clairement en divers endroicts de son livre, y joinct qu'il n'estoit à l'apparence pas guere riche : car son Pere mourant l'an 1453 ; laissa son heredité fort chargée de debtes , & fut la terre de Renescure saisie pour deux mille florins, de quoy il se trouva redebvable par la closture & arrest du dernier compte de son administration du souverain Balliage de Flandre, & dont estoit encore deu viicij Florins, xix soulz iiÿ deniers, quand Messire Philipe obtint du Duc en juin 1464 qu'il seroit commis au gouvernement de ceste terre : Et le viij d'octobre 1467 le Duc Charles luy donna à premdre de ceste somme Vc lxviij Florins, xix. souls, si, qu'il demeuroit encore redebvable seulement de vixxiiÿ Florins, qui ce semble ,n'estoyent pas encore fournis lors que 1472 il s'en alla du service du Duc à celuy du Roy, en quoy, il offença si irreconciliablement le Duc qu'es treves de l'an, 1475 il conditionna particulierement qu'il n'y seroit comprins mais, au rebours, le Roy l'affectionna tant, qu'il fut un de ses principaux favoris : Et il le servit de Chambellan, couchant & mangeant souvent avec luy.
Il maria en France avec Dame Helene de Chambes, fille de Jean de Chambes Chevalier, premier maistre d'hostel du Roy Charles VII. & de Dame Jeanne de Chabot, Dame de Montsoreau en l'Anjou, & à charge de ceste alliance, il jouist toute sa vie d'Argenton & d'autres grands biens, qui furent à Antoine Seigneur d'Argenton, Coppoux, Brisson, Villantrois, Gourgue, Buignon, Souveigne, Vauzelle, la Carrie, Chastellenie des Mottes, &c. oncle de la dicte Dame Jeanne Chabot, qui estoit fille de Brunissent d'Argenton, sœur du mesme Antoine : mais querellees par Loys Chabot de la Greve, & ses heritiers, iceux finalement obtinrent par arrest de l'an 1515 contre René de Brosse, Comte de Ponthievre, & Dame Jeanne de Comines sa femme ; & furent maintenus, & gardez en possession du total Chasteau d'Argenton dessusnommé. Ce chasteau debvoit estre accommodé de bon logis: puisque le Roy Loys XI y fut un mois fort malade, comme il conte Chap. 128.
Il fut fort employé par ce Roy, & commis à de grandes charges, honorables, & d'importance : mais apres son deces les malveillans luy mirent tant de choses à sus, que l'on le logea en l'une des prisons de cloches en Berry, où c'estoit la coustume mettre les accusez de crime de leze Majesté, il y fut durement traieté selon que luy mesme rapporte Chap.136 & demeura huict mois, apres lesquels, à la diligence de sa femme, il fut mené à Paris, où, il tint vingt mois prison es tournelles, ainsi qu'il remarque Chapitre 15. Et finalement plaida si bien sa cause, en personne & remonstra tant de choses, que, nonobstant il eust forte partie en teste, & des adversaires de grand authorité, il fut absouls. Je veus croire que ceste disgrace luy advint pour a voir trop panché auparty du Duc d'Orleans depuis Roy de France, appellé Louys XII. Quand il pretendit la regence durant la minorité du Roy Charles VIII. Ce que je tire du Chapitre dernier de son histoire, où, il se plaint de la mescognoissance de ce Roy en son endroict. Il fut depuis sa delivrance avec le Roy Charles en Italie & deux fois, son Ambassadeur à Venise, & employé en d'autres traictez & affaires principales.
Un an apres sa prison il eut de sa femme sa fille Jeanne. Il mourut (selon quelqu'un) à 64 ans 1519, selon autres à 6o ans 1509, mais l'un & l'autre s'abuse : car 1519 il y avoit 66 ans que son Pere estoit decede, & 1509 il y avoit quarante cincq ans qu'il estoit entrè au service du Duc de Bourgogne 1464, que lors il ne debvoit avoir moins de vingt ans : puis que ceste mesme annee le Duc l'attitule nostre tres-cher & bien-amé Escuyer, & filleul, & 1467 il estoit Escuyer & Eschançon du Duc. Quoy qu'il en soit, je ne treuve plus nulle mention de luy es histoires depuis que le Roy Louis XII fut couronné, qui me faict croire, ou que ce Roy ne se servit de luy, comm' avoyent faict ses deux predecesseurs, ou qu'il mourut bientost apres comme il semble qu'il fit : du moins avant l'an 1515 : veu que l'arrest mentionné cy dessus du mesme an fut donné contre sa fille & le mary delle sans qu'il face quelque memoire de luy. L'on void deux statues, qu'il est bruict estre de luy & de sa femme, aux Augustins à Paris, en une Chapelle. Il estoit de belle, & haute taille & avoit la memoire si heureuse qu'il dictoit souvent, en un mesme temps à quatre Clercs, qui escrivoyent soubs luy choses diverses, & d'estat, avec la promptitude qu'il eust traiété d'une seule.
Parloit, selon le temps, bon François, & passablement Italien, Espagnol & Alleman : mais il ne sçeut rien au Latin, ce qu'il a souvent regretté. Il lisoit diligemment toutes sortes d'histoires en François, & conversoit fort avec ceux d'autres nations, desquels, il esperoit pouvoir apprendre quelque chose, ayant en singuliere recommandation de bien employer son temps, aussi n'estoit il jamais oisif. Sa fille Jeanne mourut d'enfant en Mars 1514 selon qu'il peut sembler par cest Epitaphe, qu'elle a, en la Chapelle que dessus, aux Augustins à Paris.
Quingentis annis bis septem & mille peractis,
In lucem quartam post ldus Martius ibat,
Octavamque parens Phœbus properabat ad horam,
Comminia occubuit generosa à prole Ioanna
Pentebrij Comitis Britanni sponsa Renati,
Atque Argentonij Domino prognata Philippo,
Chambeiaque Helena, mens hinc in pace quiescat.
Elle fut mariee avec René de Bretagne, Seigneur de l'Aigle & Boussacq, lequel s'escrivoit Comte de Ponthievre, comme du droict querellé par son Ayeule Dame Nicole de Bretagne, fille heritiere de Charles, Baron du Maine, Seigneur de l'Aigle, filz de Jean Comte de Ponthievre, Viscomte de Limoges, & de Dame Marguerite de Clisson. Lequel Jean estoit filz de Sainct charles de Blois, & de Dame Jeanne de Bretagne, qui pretendirent le Duché de Bretagne sur le Duc Jean dict de Montfort, & son filz ; de quoy fut amplement parlé en Froissard Tome second. Ceste Dame Marguerite de Clisson, & olivier son filz aisné, Comte de Ponthievre, surprinrent (soubs couleur d'amitie) le Duc de Bretagne Jean V pourquoy tout leur bien fut confisqué, & particulierement ce Comté, & leur maison fort ruinée : avec cela qu'elle fallit en ceste Dame Nicole mariee avec Jean de Brosses, Seigneur de Boussac, & Sainct Severe, Viscomte de Bridiers ; Mareschal de France : A condition, neantmoins, que les enfans procedans de ce mariage porteroyent le nom & les armes de Bretagne. Il en nasquit Jean de Bretagne seigneur de hussac, &c qui, de Dame Louyse de Laval, fille de Guy eut ce René, mary à Dame Jeanne de Commines, & Pere de Jean de Bretagne, auquel, le Roy de France François Premier, donna le Duché d'Estampes 1536. & depuis rendit le comté de Ponthievre. Ce Jean espousa Dame Anne de Pisseleu, qui fut la favorite du Roy susdict, & mourut gouverneur de Bretagne, 2. Febr. 1562 sans generation, delaissant heritiere de ses biens sa soeur Dame Charlotte, alliee à François de Luxembourg, Vis-comte de Martigues ; Marquis de Beagé &c mere à Sebastien de Luxembourg, Vis-comte de Martigues, &c. Chef de la Gendarmerie Escossoise 1560 & Lieutenant pour le Roy en Bretagne 1562. lequel, de la fille du Seigneur de Beaucaire ; vefve du Seigneur de Vaudemontois, a laissé une fille heritiere, Dame Marie femme à Philipe Emanuel de Loraine Duc de Mercueur ; Pair de France, Prince du Sainct Empire, & de Martigues, Gouverneur de Bretagne, frere de Louyse de Loraine Royne de France; desquels nasquit Françoise fille unicque, mariee avec Cesar Monsieur Duc de Vendosme, filz naturel aisné du Roy de France, Henry le Grand, & de Dame Gabrielle d'Estrees, comtesse de Beaufort.
Au surplus, quand Robert dict le Frison, Comte de Flandres alla 1085 à la terre saincte, parmy les Principaux Seigneurs, qui l'accompagnerent fut un Bouchart Commines, qui y retourna encores 1095 avec Godefroy de Bouillon, & le Comte de Flandres, Robert, dict de Hierusalem.
Jusques icy Monsieur de Schoondorp : Et ce qui suit avons recueilly des vieux registres de la ville de Lille ; d'une liste des anciens nobles de Flandres, que nous a mis en main Monsieur Fernand Wyts Seigneur de la Boucharderie, gentilhomme autant civil & courtois, comme nostre tres-grand Seigneur & amy : & de ce que en avons apprins de diverses personnes, avec lesquelles, en avons conferé. Or est il doncques, que le grand pere de Messire Philipe de Comines appellé indifferément & Messire Colart & Messire Nicole de le Clite, se treuve denommé entre les Seigneurs de Marcque, qui estoyent en la Chastellenie de Cassel du temps de Louys de Nevers, Comte de Flandres. Il fit serment de Bally de Lille en l'an 1368. Le Registre dudict Lille 1373 le surnomme de Commines : le qualifie Chevalier de l'ordre : Bally & gouverneur de ceste Province de Flandre Walonne, lors que par engagement elle estoit sousmise à l'Empire François : ceux des années suivan les (à sçavoir 1376) encores Gouverneur : 1382. Conseiller du Duc : 1381 & 86. Comissaire au renouvellement du Magistrat de la ville de Lille : 1394 encores Bally d'icelle; & le dernier (de l'an 1394) l'appelle Messire Nicole de le Clite Sire de Comines (en laquelle il fut inhumé environ l'an 14o4) par Dame Jeanne de Waziers sa femme, qui en estoit l'heritiere.
Portoit comme ses ancestres armes semblables à celles de Wavrin: à sçavoir banerolle d'azur à l'escuchon d'argent, au balon de geule & prenoit son surnom de Waziers proche de Douay, ou de Waziers sur la Deusle, de present possedé par Monsieur André de Fourmestraux tres-digne, & magnificque Reuwart de Lille, des Seigneurs du Magistrat de laquelle trouvons les anciens Sires de Comines & de Waziers, aussi bien que leurs successeurs avoir diverses fois receu plusieurs beaux presens & signamment le Seigneur de Comines, & Hellin son filz un de vins, en l'an 1354.Ce mesme Messire Colart de le Clite, estant encores Bally de Lille, acheta l'an 1394 pour Guillaume son filz la disme de Mouvaux vendue lors par justice pour la somme de XIc IIIIXX VIX frans, & tenons iceluy eftre le mesme Messire Guillaume de le Clite Chevalier, qui (comme dict le Registre) avoit l'an 1379 espouse noble Dame, Madame Jehenne Hanguarde, Fille de Betremieu, heritier de Damoiselle Marie, Fondatresse de la Chapelle, ou Cantuaire des Hanguars à l'autel du Sepulchre en l'Eglise de Sainct Estienne de Lille, de present possedé par Messire Jaspar le Pippre, nostre tres-honoré Frere, & avec laquelle Dame il eut trois mille frans à mariage.
Et comme Louys filz aisné du mesme Messire Colart, & de ladicte Dame de Comines mourust en bas aage, cecy fut cause, que Messire Jean de le Clite, son deuxiesme frere, fut partagé de ceste terre, la faveur duquel (ensemble celle du Seigneur de Roubaix) les mesmes Seigneurs du Magistrat de Lille eurent aussi en telle estime qu'au besoing ils y recouroyent comme à l'ancre sacrée : signamment lors que l'on toucha la corde de confisquer les biens d'aucuns hereticques. A cause de quoy (tant pour ses gratieux offices aupres de nos Princes, comme pour le prest & assistence de son conseil, pour se garder de l'ennemy), il fut plusieurs fois traicté par eux en compagnie du Prevost; des principaux officiers du Duc, & de plusieurs notables personnes, en leur hostel de ville, avec splendeur & magnificence, comme lors que l'an 1421 il retourna en compagnie de Monsieur Rollant d'Uutkerck, Monsieur Andre de Bally Chevalier; Andre de Toulencon & autres Seigneurs & Gentil-hommes de la desconfiture faicte aupres d'Abbeville. Et ce que plus allumoit ceste mutuelle correspondence & amitie, estoit que les habitans de sa ville de Comines venoyent de tout antiquité à chef, lieu en la halle de Lille & de quoy ce en avoit encor instrument en l'an 1407.Et qu'il ne semble estrange à ceux qui envieroyent aussi bien l'ancienne gloire & felicité, que la splendeur presente de cest illustre ville, puis que sommes prests de leur faire toucher au doigt par tittres autenticques, & bons munimens (qu'outre ce) non seulement la ville de la Bassée mais aussi celles de Vervin en Tirasse & d'Estrees au pont au Comté de Marles, estoyent en la mesme recognoissance : Hablen cartas y callen barbas.
Au confort de quoy nous trouvons (es anciens comptes de la ville) une partie de depens faicts en la ville de Wervy par les Prevost, Reward, de la ville, Mayeur, Eschevins, Conseillers, & Procureur d'icelle, à leur retour de Comines, lors qu'ils en furent reconforter le Seigneur : de ce que sa ville, & son logis avoyent esté tous bruslez & luy offrir (ce sont les mesmes mets) toute amitie & courtoisie.
Et de ce Seigneur vint un autre Messire Jean de le Clite Seigneur de Commines & y demeurant l'an 1459. Mort selon qu'avons autrefois pense sans generation : d'autant qu'au Registre de Lille 1511 se treuve (voyla les mesmes mots) que hault noble, & puissant Seigneur Messire Charles de Croy, Prince de Chimay ; Seigneur de Lillers, Malannoy, Sainct Venant, a faict adjourner noble & puissante Dame Jeanne de Commines, fille unicque, & heritiere de feu Messire Jean Chevalier Seigneur de Commines (qui fut oncle de Messire Philippe de Commines, filz de Messire Colart de Commines Seigneur de Sainct Venant). Neantmoins le sieur de Schoondorp, a mieux aymé suyvre l'opinion de ceux qui ont escript les genealogies de ceste maison, & autres y alliées, que non pas ce qui se peut inferer par ce Registre, meu de ce que Monsieur Scohier, personage autant curieux, & rompu es recerches de l'antiquité & genealogies, qu'autre de son siecle, ayant mis en lumiere la descente de la maison de Croy & la dediée à Philippe Duc d'Aerschot, lequel avoit espousé en premieres nopces Dame Jeanne heritiere de Halewyn & de Commines ; mere des enfans de ce Duc, met es 32 quartiers de ceste Dame pour ses Bis ayeul & Bis ayeule Messire Jean Seigneur de Commines & Dame Jeanne de Toute-ville, & non pas Messire Jean & Dame Jacqueline de Guistelle, en quoy il se conforme avec tous ceux qui en ont escrit la descente. Et selon qu' il est vraysemblable aux Verrières qu'il avoit veu en l'esglise, & ailleurs à Commines, où il avoit beaucoup d'acces, & frequentoit souvent : Aussy n'y a il point d'apparence de croire que Dame Jeanne heritiere de Commines (qui espousa le Seigneur de Halewyn) fust soeur,& non pas fille du Seigneur de Commines, qui espousa Dame Jeanne de Toute-ville : veu que le Pere de ce Seigneur estoit homme ; Chambellan du Duc de Borgogne, auquel il avoit faict plusieurs services en armes,& autrement & mesmes grandement aventuré son corps dez l'an 1414. Et lequel estant veuf espousa en secondes nopces la Dame de Preuze, laquelle avoit esté mariee auparavant l'an 1415 au filz du Seigneur de Croy & en devient la mesme année vevfe. Et s'estant pour la seconde fois mariée avec Monsieur de Fosseux , espousa puis ce Seigneur de Commines qui fut son troisiesme mari, & qui mourut le 8 d'Octobre 1435. Parquoy icelle leanne seroit necessairement esté née environ l'an 1430. Et au partir de là son filz George Seigneur de Halewyn & de Comines, met en une lettre datée du 2 de Novembre 1530 adressante à l'Ayeul du dit Seigneur de Schoondorp, Hughes de Maubus, ces mots : Iam enim juventute per acta morte timere incipio.
Par où il sembleroit qu'il n'avoit alors guere de plus de 45 ans selon la distinction que Varro, Gellius, & autres Autheurs latins font de l'aage de l'homme & lesquels ce Seigneur, fort amateur de leur langue avoit veus. Parquoy sa mere l'auroit enfanté aux environ des 50 ans. Et au regard de l'extraict du Registre de Lille ou cette Dame Jeanne est qualifiee fille du premier il faut dire que celuy qui avoit fait faire l'adjournement se pouvoit avoir abusé, ou prins le mot de fille pour descendue en ligne directe conformement à la loy 28.ff. de verb. Signif. Et qu'aussi : pour fonder l'intention du demandeur n'importoit point si ell' estoit fille ou arriere-fille du premier Messire Jean, estant assez qu'ell'en descendist en ligne directe. Au partir de là elle fut mere de noble & puissant Seigneur George Seigneur de Halewyn, & de Commines qui, le 15 de Apvril 1512 fit feaulté de ladicte terre de Comines à luy escheue par la mort d'icelle Dame.
Venons maintenant au troisiesme filz dudict Messire Nicole ou Collart premier de sa race Seigneur de Commines que le mesme Registre de l'an 1435 attitule Hault & puissant Seigneur Messire Colart de Commines, Chevalier Seigneur de Renescure, Buscure & du Thil en la Flandre Walone à deux lieues d'Aire en Artois de present appartenans à Monseigneur le Comte d'Estaires de la tres-Illustre & tres-ancienne maison de Montmorency, Seigneur de rares qualitez & de beaucoup de merites : Ce mesme Messire Colart fut aussy Seigneur de Sainct Venant par l'achapt qu'il en fit en l'an 1443. Mais ne le sçeut si bien payer qu'apres son deces la terre ne fut decretée, pour ce qu'il en estoit demeuré redebvable, soit par peu d'economie, que pourrions à bon droict baptiser du nom de courtoisie & bonté, ou par autre occasion. Qu'il ait esté neantmoins Cavalier obligeant ses amis, se veoid par l'affection que Messire Jean d'Uutkerck Seigneur d'Orset, d'Enguien,& de Herbamez,& Dame Bonne de Herbamez sa femme luy tesmoignerent, lors que pour les grands prests, plaisirs, & bien faicts d'iceluy en leur endroict, luy accordent l'an 1435 qu'apres le trespas de ladicte Dame il prenne surtous les biens venans de sa coste & ligne la somme de douze cent livres de gros. Et entretenant la mesme amitie que Messire Jean son frere, avec les mesmes Seigneurs de ce Magistrat, il en reçeut les presens de vin comme Bally de Gand l'an de1432.Il fut bany il en avec Messire Rolant d'Uutkerck ; Messire Jean de la Voeftine & Jehan van Dame par les Rebelles de Gand au bon Duc Philippe, duquel il fut depuis rappellé avec ses autres compagnons.
Il s'atittra aussi (à cause de premiere femme) Seigneur de Wautou & de le Bustine: mais à faute d'en avoir eu enfans il en perdit la jouissance & les tittres quand elle mourut, qui vindrent à Cornille d'Ecout Chastellain de Roulers son Nepveu. De sa deuxiesme Dame Marguerite de Dermude ou d'Ermuyden, que le Registre de Lille de l'an 1511 apparamment vicieusement appelle d'Aruemeude eut il puis ce nostre Messire Philippe de Commines, Chevalier Seigneur d'Argenton, de Renescure, & du Thil au regard de la retraicte duquel du service du Duc de Borgogne, au parti de France (outre les occasions que Monsieur de Schoondorp en ameine) avons ouy aucuns qui en donnoyent d'autres : à sçavoir, qu'iceluy retournant une fois de negocier assez heureusement. Et survenant le Prince à sa chambre & n'y ayant pour lors de serviteur pour le debotter, luy auroit faict grand'instance de le faire, & qu'y ayant (apres beaucoup de refus) acquiescé retournant le Prince en soymesme, & se souvenant de son estre, & de l'oubliance de son ministre, luy auroit donné de la botte sur la teste. Autres disent qu'estant survenu à Charles une afaire qui le convioit à l'instant à monter à Cheval, & Messire Philippe de Commines luy accommodant à l'effect l'esperon au pied & pour la haste le luy pressant par trop esmeu d'angoisse, qu'il le conneut ou non, luy en auroit donné un coup au visage. Autres (qui semblent parler plus vray-semblablement) disent que le Chastoy merité pour avoir revelé le secret de son Prince au Roy adversaire auroit esté celuy qui le fit retirer de bonne-heure de son service. Soit ce qu'il fut, si est il certain que l'on en fit, à son blasme & derision une chanson en la Cour qui lors estoit en ceste ville de Lille ; & faut dire qu'il couvast long temps son maltalent de tel affront : veu qu'à l'heure d'iceluy Charles n'estoit encore que Comte de Charolois & y eut grand intervalle de temps jusques à l'entreveue de Peronne, où il mania une telle sorte de limon, qu'il n'en eut jamais plus les mains nettes.
Et encore que ce Seigneur fut tous-jours exclus de tous traictez de paix entre noz Princes & les François, il faut dire que la persecution vint puis à cesser : car il nous souvient d'avoir mis la main sur un Rolle en Velin, d'extreme longueur, escrit en basse langue Allemande (qu'icy appellons Flamande) reposant aux Gardofres [Gardes orphènes] de Lille, sur lequel y avoit escrit : ces briefs appertiennent à Messire Philippe de Commines Seigneur d'Argenton.
Extrait de : Intentions morales, civiles et militaires par Antoine LE PIPPRE écyer, Sg de la Grande Motte, 1625